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  • : Le blog de la-Pensée-libre
  • : Philo-socio-anthropo-histoire. Revue en ligne éditée par une partie de l'ancienne rédaction de "La Pensée" exclue en 2004, élargie à d’autres collaborateurs et consacrée au renouvellement de la pensée critique de la globalisation, du politique, de l’économique, du social et du culturel.
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  • Cette revue de Philo-socio-anthropo-histoire est éditée par une équipe de militants-chercheurs. Elle est ouverte à tout auteur développant une pensée critique sur la crise de civilisation du système capitaliste occidental.
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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 16:44

 

 

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Notre Rédaction a décidé de reprendre cet article récent publié au Brésil et reproduit depuis dans plusieurs revues car la question du deux poids deux mesures et de l'unilatéralisme sans retenue pratiqués par les puissances occidentales doit être connue mais aussi répétée encore et encore à l'heure où ces puissances font preuve d'un autisme volontaire de plus en plus dangereux pour le maintien de la paix mondiale et le développement des peuples. Le droidelommisme sans plus aucun fondement qui caractérise la plupart des décisions des pays membres de l'OTAN, et donc de l'Union européenne subsidiaire, pourrait être qualifié de ridicule s'il ne s'abritait pas derrière des fusées atomiques, un contrôle des flux financiers internationaux, une politique répressive mondialisée de plus en plus incontrôlée, une économie à la dérive et une opinion publique rendue largement aphone.

 

Dans ce contexte, il faut crier et répéter pour se faire entendre et imposer une réflexion et un débat public portant sur les raisons qui empêchent l'émergence d'un monde de paix et de coopération pacifique. Cuba est à cet égard un des rare Etat qui a fait preuve de conséquence dans ses pratiques d'entraide internationale et dans la promotion de principes sociaux qui ont garanti une amélioration réelle de la qualité de vie non seulement de ses propres citoyens, mais aussi de nombreux étrangers venus se faire soigner dans ce pays ou de citoyens de pays qui ont bénéficié du savoir faire cubain en matière de santé et d'éducation. Dans le contexte d'un monde où le fossé entre riches et pauvres, puissants et exclus, guerriers mercenaires et combattants de la paix, agresseurs et agressés ne fait que s'approfondir, il est grand temps de faire savoir encore et encore à ceux qui ont le devoir d'assurer le développement et la prospérité de tous dans la paix, que les comédies pitoyables qu'ils orchestrent contre les Etats où les progrès des conditions de vie sont réelles se heurtent à un mur d'incompréhension grandissant et qu'il est temps qu'ils mettent fin à leurs politiques d'agression, d'ingérence et d'arrogance.

 

La Rédaction

 


  

Cuba, l’Union européenne

et

la rhétorique des droits de l’homme

 

Novembre 2012

 

Salim Lamrani *

 

Depuis 1996, l’Union européenne impose une « position commune » à l'égard de Cuba, officiellement à cause de la situation des droits de l’homme dans ce pays. Le dernier rapport d’Amnesty International illustre le caractère discriminatoire et illégitime d’une telle politique.

 

Depuis 1996, l’Union européenne est alignée sur la politique étrangère des Etats-Unis et impose une « Position commune » – la seule sur tout le continent américain – au gouvernement cubain. Celle-ci limite les échanges politiques, diplomatiques et culturels en raison de la situation « des droits de l’homme et des libertés fondamentales1». Cette « Position commune » constitue le pilier de la politique étrangère de Bruxelles à l’égard de La Havane et représente le principal obstacle à la normalisation des relations bilatérales. Entre 2003 et 2008, l’Union européenne a également imposé des sanctions politiques, diplomatiques et culturelles à Cuba en raison de la situation des droits de l’homme.

 

En effet, les Etats-Unis justifient officiellement l’imposition des sanctions économiques, en vigueur depuis juillet 1960 et qui affectent toutes les catégories de la société cubaine, en particulier les plus vulnérables, en raison des violations des droits de l’homme. De 1960 à 1991, Washington a expliqué que l’alliance avec l’Union soviétique était la raison de son hostilité à l’égard de Cuba. Depuis l’effondrement du bloc de l’Est, les différentes administrations, de Georges H. W. Bush à Barack Obama, ont utilisé la rhétorique des droits de l’homme pour expliquer l’état de siège anachronique, qui loin d’affecter les dirigeants du pays, fait payer le prix des divergences politiques entre les deux nations aux personnes âgées, aux femmes et aux enfants2.

 

 

Une « Position commune » discriminatoire et illégitime

 

La « Position commune », qui se justifie officiellement en raison de la situation des droits de l’homme à Cuba, est discriminatoire dans la mesure où le seul pays du continent américain, du Canada à l’Argentine, à être stigmatisé de la sorte par l’Union européenne est Cuba. Pourtant, selon le dernier rapport d’Amnesty International, l’île des Caraïbes est loin d’être le plus mauvais élève de l’hémisphère en termes de violation des droits fondamentaux 3.

 

La « Position commune » est également illégitime. En effet, Amnesty International dresse un bilan sévère et sans concessions sur la situation des droits de l’homme sur le Vieux Continent. Ainsi, pour Cuba, et contrairement aux pays membres de l’Union européenne, Amnesty International ne signale aucun cas

 

  •  
    • d’assassinat commis par les forces de l’ordre (Autriche, Bulgarie, France, Italie, Royaume-Uni, Suède),

    • d’assassinat de mineurs par les forces de l’ordre (Grèce),

    • d’assassinats d’enfants souffrant de maladies mentales (Bulgarie),

    • de responsabilité dans un génocide (Belgique),

    • d’actes de torture et traitements inhumains ou dégradants par les autorités (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie),

    • d’actes de torture et traitements inhumains ou dégradants par les autorités à l’encontre de mineurs (Belgique, Bulgarie, Danemark),

    • d’actes de torture par les autorités soutenus par le plus haut niveau de l’Etat (Royaume-Uni),

    • d’impunité pour les forces de l’ordre coupables d’assassinat (Bulgarie, France, Suède),

    • d’impunité pour les forces de l’ordre coupables de torture et autres mauvais traitements (Allemagne, Belgique, Espagne),

    • d’utilisation de preuves obtenues sous la torture (Roumanie),

    • d’entrave à la justice et aux réparations pour les victimes de torture et de mauvais traitements commis par les forces de l’ordre (Allemagne),

    • d’expulsion de personnes, y compris de mineurs, vers des pays pratiquant la torture et où il y a des risques de persécution (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Italie, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède),

    • de répression violente de manifestations de la part des forces de l’ordre (Allemagne, Belgique, Grèce),

    • de brutalités policières à caractère raciste contre les étrangers et les membres de minorités ethniques (Autriche),

    • de détention secrète de prisonniers et de transfèrement vers des pays pratiquant la torture (Allemagne, Belgique, Lituanie, Roumanie),

    • de traite d’êtres humains et d’esclavage (Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Royaume-Uni),

    • de travaux forcés (Chypre),

    • de suicide de mineur en détention (Autriche),

    • de non assistance médicale, sociale ou juridique à l’égard des demandeurs d’asile (Belgique),

    • de discrimination légale à l’égard des minorités ethniques (Belgique, Espagne),

    • de discrimination généralisée à l’égard des minorités (Bulgarie, Danemark, Grèce, Hongrie),

    • de discrimination de la part des tribunaux de justice à l’égard des minorités (Bulgarie),

    • d’expulsion forcée de membres de minorités ethniques ainsi que de la destruction de leur logement par les autorités (Bulgarie, Grèce, Roumanie),

    • d’agressions racistes généralisées (Bulgarie),

    • d’agressions récurrentes contre les minorités sexuelles (Bulgarie, Italie, Slovaquie),

    • de non-reconnaissance des droits des minorités sexuelles par les autorités (Chypre),

    • de soutien des forces de l’ordre aux mouvements d’extrême droite lors de manifestations (Chypre),

    • de violence récurrente contre les femmes (Danemark, Espagne, Finlande, Malte, Portugal, Suède),

    • de violence récurrente à l’égard de jeunes filles et de fillettes (Espagne, Finlande, Portugal),

    • de châtiments corporels contre les enfants dans les centres spécialisés pour mineurs (Espagne),

    • d’impunité juridique pour les responsables de violences sexuelles contre les femmes (Danemark, Finlande, Suède),

    • de détention de mineurs dans des prisons pour adultes (Danemark),

    • de détention de mineurs demandeurs d’asile (Finlande, Pays-Bas),

    • de détentions au secret (Espagne),

    • d’interdiction d’enquêtes sur des crimes de droit international (Espagne),

    • de violation de la liberté de religion des femmes (Espagne, France, Pays-Bas),

    • de stigmatisation des minorités ethniques par la présidence de la République et les autorités (France, Roumanie),

    • de discours politiques discriminatoires de la part des autorités (France, Hongrie, Italie, Roumanie, Slovénie),

    • de discrimination raciale à l’égard des minorités (Italie, Portugal, Slovénie),

    • de non accès à l’éducation et à un logement décent pour les minorités ethniques (France, Italie, Portugal),

    • de conditions de détention inhumaines (Grèce, Irlande, Italie),

    • de violences à caractère raciste (Grèce, Hongrie, République Tchèque),

    • d’agression de journalistes par les autorités (Grèce),

    • de violences de la part des autorités à l’égard des minorités et demandeurs d’asile (Grèce),

    • de ségrégation raciale dans l’enseignement et d’exclusion des enfants des minorités ethniques du système éducatif (Grèce, Hongrie, Italie, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie),

    • de scolarisation des enfants issus des minorités dans des établissements pour handicapés mentaux (République Tchèque),

    • de ségrégation raciale dans l’accès aux soins (Hongrie, Italie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie),

    • de crimes à caractère raciste (Hongrie, République Tchèque),

    • d’impunité pour les responsables de crimes à caractère raciste (Hongrie),

    • de crimes à caractère antisémite (Hongrie),

    • de crimes contre les minorités sexuelles (Hongrie),

    • d’atteinte aux droits des enfants (Irlande),

    • de maltraitance sur enfants (Irlande),

    • de décès d’enfants confiés aux services publics de protection de l’enfance par manque de soins (Irlande),

    • de non-respect des droits des minorités sexuelles (Irlande),

    • de violation des droits des demandeurs d’asile (Irlande),

    • de conditions de vie « totalement inacceptables et inhumaines » dans les établissements hospitaliers (Irlande),

    • de violation du droit à l’avortement (Irlande),

    • d’interdiction légale de l’avortement (Malte),

    • de refus d’inscrire la torture parmi les crimes sanctionnés par le Code pénal (Italie),

    • de dispositions législatives discriminantes envers les minorités sexuelles avec une pénalisation de l’homosexualité (Lituanie),

    • de politiques et pratiques gouvernementales discriminatoires avec profilage ethnique (Pays-Bas),

    • de stérilisation forcée de femmes issues des minorités (République Tchèque, Slovaquie),

    • de personnes rayées arbitrairement des registres de la population (Slovénie) 4.

 

 

Conclusion

 

Au vu des rapports d’Amnesty international, il est difficile pour l’Union européenne de prétendre que la « Position commune » de 1996, toujours en vigueur, se justifie par la situation des droits de l’homme à Cuba. En effet, les principales nations du Vieux continent présentent également de graves violations des droits humains, souvent pires que celles commises à Cuba. L’autorité morale de Bruxelles devient ainsi discutable à plus d’un titre.

 

L’Europe des 27 doit normaliser ses relations avec La Havane et démontrer que sa politique étrangère n’était pas tributaire de celle de la Maison-Blanche. En abrogeant la « Position commune » et en adoptant une posture rationnelle, constructive et indépendante, l’UE effectuera un pas dans la bonne direction. Bruxelles doit saisir l’idiosyncrasie cubaine. En effet, le gouvernement de l’île est ouvert à tout – sauf à la négociation de la souveraineté et de l’identité nationales – dès lors que les relations se basent sur le dialogue, le respect et la réciprocité – comme l’a démontré l’accord avec l’Eglise catholique et l’Espagne qui a débouché sur la libération de tous les prisonniers dits« politiques ». En revanche, il se montre résolument inflexible – il n’y a qu’à voir l’état des relations entre Washington et La Havane depuis un demi-siècle – dès lors que le langage de la force, de la menace ou de la contrainte prend le pas sur la diplomatie conventionnelle.

 

Salim Lamrani

 

Article publié initialement en protugais sur le site brésilien Opera Mundi :

 

http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/25360/cuba+a+uniao+europeia+e+a+retorica+dos+direitos+humanos+.shtml

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV. Maître de conférences à l’Université de la Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

 

Son dernier ouvrage s’intitule: État de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba, Paris, Éditions Estrella, 2011 (prologue de Wayne S. Smith et préface de Paul Estrade).

 

Contact : lamranisalim@yahoo.fr Salim.Lamrani@univ-reunion.fr

 

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

 

1Conseil de l’Union européenne, « Conclusion du Conseil. Evaluation de la position commune de l’UE relative à Cuba », 15 juin 2009. http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/council_conclusions_UE_
cuba_20090615_FR.pdf (site consulté le 2 octobre 2012.)

2Salim Lamrani, Etat de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba, Paris, Editions Estrella, 2011.

3Amnesty International, Rapport 2011. La situation des droits de l’homme dans le monde, 2011. http://files.amnesty.org/air11/air_2011_full_fr.pdf (site consulté le 2 décembre 2012).

4Idem

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